Dans une petite pièce où il n’y a qu’un divan et qu’une télévision, la lumière fraîche du matin pénètre par la seule fenêtre, léchant le visage de Gwénaël. Il vient de s’assoire, en compagnie d’une boîte de biscuit et d’un grand verre de jus d’orange. C’est un garçon de quatorze ans, les cheveux noirs assez longs et toujours bien peigné, les yeux d’un noir profond, et surtout, il n’est pas comme tous les autres gars de son âge; il déprime tout le temps et c’est rare qu’il fait un sourire. Pour lui, la vie ne vaut absolument rien, il ne survit que pour ses amis.
En changeant le poste de la télévision, il tombe sur les nouvelles. On y annonce qu’il y a eu une tornade aux États-Unis, où est sa meilleure amie, Yuna. Elle était là, la tornade l’a sans doute tuée, et Gwénaël, dans son habitude de dramatiser, se dit qu’il ne l’a reverra plus jamais. Jamais! Bien vite, il reprend maîtrise de ses émotions et réfléchit. Il pourrait y aller. C’est ça qu’il va faire, toujours déterminé à aider ses amis en cas de besoin.
Et le voilà qui part en voiture pour le pays du drame. Il arrive en fin d’après-midi et commence ses recherches, parmi les décombres de la ville. D’après ce qu’elle lui avait dit, elle irait dans un motel, le seul problème, c’est qu’il ne se souvient plus du nom. Il cherche tous les motels, mais ne trouve vraiment rien. C’est perdu, il ne la retrouvera plus. En fait, c’est ce qu’il se dit…
Il cherche encore pendant une semaine, sauf qu’à la fin, il pense sérieusement revenir chez lui. Parce que c’est clair qu’il ne la retrouverai pas.
Le jeune garçon embarque dans la voiture qui le ramènera à bon port, quand tout à coup, il aperçoit un chat noir avec des yeux jaunes. C’est le chat de son amie qu’il cherche depuis longtemps. Il crie au chauffeur d’arrêter la voiture et il se met à courir dehors, à la suite de l’animal. Il le suit pendant ce qui lui paraît être une journée et finalement, le félin entre dans une petite ouverture, assez grande pour que le jeune puisse y entrer aussi. Il entre donc, sûr d’y trouver quelque chose. Il ne trouve pourtant qu’un peu de nourriture et de l’eau. De quoi tenir quelques jours. Tout à coup, il se rend compte que Yuna n’a plus de chat! Il est mort il y a quelques mois. Il l’a suivi pour rien.
Il tourne de bord et pense à retourner à la voiture. Il y va tranquillement, espérant trouver un indice, mais il arrive au véhicule avant de n’avoir aperçu quelque chose. Il sait que s’il part, il s’en voudra toute sa vie, mais y a-t-il une autre solution?
Juste avant d’embarquer, il se retourne, et fonce vers l’autre côté, mué par une pressente impression qu’il y a quelque chose là où ses pas le conduisent. Il court, il court encore, jusqu’à s’essouffler (il n’a jamais été très endurant) et s’arrête. Il se tourne d’un côté, puis de l’autre, puis en arrière, et c’est là qu’il se rend compte qu’il est complètement perdu. Il a tellement couru, il ne sait plus du tout où il est rendu. Et en plus, le besoin de boire se fait pressant.
Il entend un bruit, comme un grattement. Il s’approche de l’endroit d’où provient le bruit, et entre dans une petite cave. Il fait extrêmement noir, et il ne distingue que ses pieds. L’adolescent entend encore ce maudit grattement, qui rendrait fou n’importe qui. Mais il n’est pas n’importe qui.
Il avance, trébuchant parfois, et finalement, il entend une petite voix murmurer quelque chose de complètement incompréhensible. Il demande à haute voix qui est là, mais il n’y a que ce petit murmure qui lui répond, et ce petit grattement.
Il avance encore. Soudain, la lumière apparaît et il regarde autour de lui. Il est dans un sous-sol peu aménagé où il y a beaucoup de choses, dont de la nourriture. Et son regard fini par se poser sur une armoire renversée, là d’où provenait le murmure.
Il lève l’armoire et la tasse de là, tant bien que mal, et regarde ce qu’il y a en dessous. Il croise un regard couleur vert tendre, d’un vert qu’il connaît si bien. Il regarde le reste du corps, et se rend bien compte que c’est son amie. Elle a les cheveux blonds qui lui touche à peine les épaules, son corps est frêle quoique super beau. Elle paraît maigre et faible. Son ami l’aide à se relever, et on peut lire du bonheur dans ses yeux. Il l’amène jusque sur une chaise et lui donne à boire, avant d’en boire lui aussi.
Il est tellement heureux de la retrouver qu’il pose ses lèvres sur sa bouche. Yuna, qui l’a toujours aimé, se laisse faire. Leurs bouche se soudent en un baiser, qui se termine en un beau regard. Elle lui dit, d’une voix plus tremblante et moins forte qu’elle ne l’aurait voulu:
-Je t’aime, depuis que je t’ai vue.
-Moi aussi.
Un silence s’installe entre eux, aucunement gênés, seulement les deux jeunes sont un peu fatigués et se remettent de leurs émotions. Il brise le silence en disant:
-Que t’es-t-il donc arrivé?
-Je suis descendue pour éviter la tornade, répond-elle, j’avais entendu parler qu’il fallait aller dans le sous-sol pour pouvoir rester en vie, mais malheureusement, je n’ai pas pu prévenir mes parents, qui doivent être morts à cette heure ci. Et puis, je suis tombée dans les pommes…
-Et ça va, maintenant?
-Oui. Ou, tout au moins, physiquement. Mais je suis extrêmement contente de te voir, je pensais vraiment mourir.
Gwénaël se prend de quoi manger, et Yuna en fait autant. Ils mangent en silence, trop contents d’être ensemble pour penser à partir. Il finit en premier et dit:
-J’ai pensé te perdre. J’ai tellement eu peur, tu me connais.
Elle lui envoya un regard qui indiquait clairement qu’elle le connaissait beaucoup. Il continua:
-Puis j’ai pensé venir ici. J’ai même aperçu un chat qui ressemblait au tien, je l’ai suivi, et me suis rendu compte après que tu n’avais plus de chat.
Elle rit d’un rire qui sonne bizarre, comme si elle ne sait plus comment rire. Il se dit soudain qu’elle est bien plus belle qu’il ne l’avait d’abord remarqué.
-Et puis j’ai couru sans aucune raison vers toi, sans d’abord me douter que tu étais là. Et je t’ai retrouver.
Ils s’embrassèrent encore, quand soudain, le plafond qui branlait au dessus d’eux s’écroulât, emportant avec lui un amour naissant, emportant avec lui deux jeunes adolescents qui jamais ne pourront vivre leur amour. Mais au moment même où tout allait lâcher, ils s’en fichaient complètement, parce qu’ils s’aimaient, et pour eux, ce n’étaient que ça qui comptait.