Commentaire:Voilà un texte que j'ai écrit dans les moments tristes. Ce n'est pas un poème, mais c'est un texte de la mort. Qu'on me le fasse savoir si les textes tel celui-ci ne sont pas accepté.]
Sombre décadence
11 mai, 10h33
Aujourd'hui, c'est la fête de mon frère. Il aura 29 ans. Malgré le fait que nous avons passé notre enfance ensemble, je le connais à peine. Je ne sais pas pourquoi je me souviens de la date de son anniversaire d'ailleurs. Nous nous détestons, il n'y a pas d'autre mot pour dire ça. Il m'a toujours fait chier, et moi, le rancunier de la pire espèce, je me vengeais tout le temps, en faisant pire. Deux âmes opposées qui naissent de la même mère. J'ai souvent espéré nous voir réconcilié, mais j'ai tout le temps été un rêveur aussi. Je sais, et savais, que c'était utopique. Il me semble que ça doit être amusant faire quelques blagues avec son frérot, se provoquer amicalement. Mais non, je n'ai pas eu droit à ça. Nos regards s'évitaient, nos paroles étaient agressives. Mais laissons le passé dans le passé. Maintenant nous ne nous voyons plus. C'est à peine si je me souviens de son visage rondelet et de ses yeux bleus. Son image s'efface peu à peu dans mon esprit. Y a-t-il un lien entre l'amour et l'aversion ? Je me le demande toujours. J'ai l'impression de l'aimer, mais je le hais profondément. Les esprits sont peut-être liés d'une certaine façon, qui sait.
21h15
Le téléphone retentit. Je prends le combiné, surpris par la voix féminine qui s'adresse à moi. C'est rare que l'on m'appelle, et encore plus rare qu'une femme m'appelle.
« Bonsoir M. Dupré. Je suis Laurence Beaulieu, officier de police. J'ai le triste devoir de vous annoncer que votre frère, votre mère et votre père sont tous les trois décédés dans un accident d'automobile. Je suis sincèrement désolé…
Les mots retentissent dans ma tête, incapables de sortir de ma bouche. « Oh! Mon Dieu! » À mon grand étonnement, aucune larme tiède glisse sur mes joues. Je suis hébété. Je cherche mes mots. Que dois-je dire devant une telle nouvelle ?
* * *
12 mai, 1h04
Je suis assied dans le grand fauteuil de mon salon. Je repense à la mort de ma famille. Je me demande si ce n’est pas mes pensées négatives du matin qui les ont tués. J’espère bien que non. Je ne veux pas être un assassin. Un assassin indirectement, mais un assassin quand même. Ma vie renversée brutalement. Je ne croyais pas que cela pouvait m’arriver. C’est toujours comme ça. On se croit hors de porté, mais on est la cible principale. Je déteste la vie. Je déteste ce qui m’arrive. Je hais tout.
Je la sens, cette goutte d’eau salée qui glisse lentement sur ma joue. Puis une autre sur l’autre joue. J’ai décidé de laisser ce damné liquide de tristesse sortir de mes entrailles. Le laisser déferlé sur mon visage déformé par la souffrance invisible qui m’accable. Je suis enfoncé dans ce même divan. Les larmes coulent toujours, comme si elles étaient infinies. Bon dieu, ça fait tellement mal ! Les vagues de chagrin me submergent. J’ai peur de me noyer. Mais après tout, pourquoi pas. Je n’ai rien à perdre ! Je n’ai plus de boulot, plus d’ami, plus de famille. Il me reste cette minable maison. Mais ce n’est pas assez. Rien ne vaut la peine de rester. Saleté de vie ! J’en ais mare ! Mes yeux se referment, épuisés. Avant de sombrer dans le sommeil, je ne fais qu’espérer qu’il n’y aura pas de réveille, pas de suite à cette vie merdique…
10h49
Aujourd’hui, j’ai décidé de sortir un peu. Essayé malgré tout de faire disparaître cette expression sur mon visage. Mes traits tirés, mon regard sombre. Je crois que je vais prendre une marche. Je t’enterai de me changer les idées. Je me lève donc, en direction de la cuisine. Je commence à avoir faim. J’ouvre le réfrigérateur, et y jette un coup d’œil. Rien. Les injures me montent aux lèvres, tandis que je me prends deux tranches de pain que je fourre dans le grille-pain. C’est malheureusement tout ce que j’ai. L’odeur du pain grillé s’infiltre lentement dans mes narines. Puis, je reprends les deux tranches, et j’étends du beurre d’arachide sur celles-ci. Je les avale, machinalement, obligé par quelque chose ou fond de mon esprit. C’est cette même chose qui me réveille le matin. Cette chose qui me retient ici…
J’entends le vent sifflé dans mes oreilles. Je marche sur le trottoir désert. Le petit quartier où je vis semble de plus en plus mort. Le ciel est gris. Les feuilles des arbres tristes tremblent sous la froideur du vent qui les balances. Le silence qui règne ici est incroyable. Il est lourd, déchirant et maître des lieux. C’est lui qui noircie nos pensées. Je me rends compte que je suis sous son emprise. Il me contrôle, et fait de moi ce qu’il en veut, tel un chien qui obéis au ordre du « maître ». Dans le coin de mon œil apparaît une larme. Je l’essuie du revers de ma manche. Je prends une grande inspiration, et j’accélère le pas. Le temps passe vite, quand la vie semble fuir notre corps et notre environnement. Je regarde une dernière fois ce petit coin de semi-forêt qui était autrefois un paisible endroit où les oiseaux chantaient, et où le soleil nous réchauffait de ses rayons matinaux. Je ramène mon regard sur le sol. Non, pas devant moi, sur le sol. J’ai honte de moi, de ça, de tout. J’évite du mieux que je peux la dure réalité qui m’entoure.
Alors qu’il me restait quelques minutes avant d’arriver chez moi, j’ai senti une odeur de bois brûlé intense. Vu le calme d’un cimetière qui règne ici, je me suis demandé maintes et maintes fois d’où cela pouvait venir. Mais là, alors que je suis devant ma maison, j’ai ma réponse, et des larmes sur les joues. Les flammes dansent sur ma maison tels des âmes démoniaques heureuses d’avoir obtenu mon bâtiment. Dans les crépitements du brasier je m’effondre sur mes genoux, les larmes coulant à flot encore une fois sur mon visage. Je regarde disparaître la seule chose qui me reste et puis, étrangement, je m’endors.
13 mai, 5h 57
Mes paupières s’ouvrent sur un ciel faiblement orangé. Je souris, car cela fait longtemps que je n’avais pas vu les rayons du soleil éclairé ce coin de pays. À mes côtés, la dépouille de ma maison, encore fumante, dort d’un sommeil infini. Je perds mon sourire. Je me lève, chancelant. Je vois au loin la sphère orange s’élevé lentement, tandis que je me rends à l’évidence. Je n’ai plus rien à faire dans ce monde. Quelque chose me déteste, et souhaite ma mort. Je ne sais quoi, mais j’ai compris le message. Non, je ne suis pas triste. Je dirais même le contraire. Je vais me libérer de cette malchance qui me suit depuis ma naissance, de ce corps. Je suis calme, mes pensées sont claires et nettes. Mes pas sont décidés, je sais où je vais.
6h 03
La rivière est devant moi, une centaine de mètres plus bas. Je n’ais qu’à sauter, et c’est terminé. Je me surprends à dire adieu. Adieu à quoi ? Je me retourne, et vois ce petit coin où autrefois chantaient les oiseaux. J’ai l’impression de les entendre, ces doux chants, accompagné du soleil qui nous balaie de ses rayons. Je vis un dernier moment de calme, avant de me lancer dans ce vide vers la fin. Le vent siffle dans mes oreilles. Je vois la fin arriver. Je plonge alors en elle, mes os se brisant par la vitesse fulgurante dans laquelle j’y suis entré. J’ai à peine le temps de m’en rendre compte, que je suis mort. L’eau s’est infiltrée dans mes poumons, contente d’enfin me prendre la vie. Il n’y a pas de tunnel lumineux, pas de paradis. Il n’y a que ce silence causé par une sombre décadence.