L'Amour

« Montre-moi qui tu es, je te dirai si je t’aime. » -Jérémi Robitaille-Brassard

[…]

- Enlève ton masque… S’il te plait…

Depuis toujours il gardait ce masque. Depuis toujours il faisait partie de lui et jamais il ne le retirerait.

- Non, je ne peux pas…

- Fais le pour moi, pour nous… Fais le parce que je t’aime…

Le regard de la jeune femme supplie. Rien de plus difficile à supporter pour un homme. Le silence est lourd, elle attend. Mais elle le sait : il ne le fera pas. Elle retient des larmes, car jamais elle ne l’a vraiment vu. Car jamais elle ne le verra.

Les oiseaux chantent au-dessus de leurs têtes, innocents. Ils sont si proches qu’ils sentent la respiration chaude et réconfortante de l’autre sur leurs visages. Une sorte de sphère d’amour triste les enveloppes. Rien ni personne ne leur porte attention; ils sont justes entre eux.

Elle effleure son visage du revers de sa main; il lui sourit gentiment. Dans la tête du jeune homme se bouleversent diverses questions. C’est un combat contre sa propre volonté. Rien de plus déstabilisant.

- Embrasse-moi, dit-elle d’une voix douce.

C’est ce qu’il fait, closant ses paupières et collant son corps contre le sien. Les lèvres dansent, elles se caressent. Et c’est dans des souffles passionnés que les émotions se cultivent, que l’amour grandit. Il est beau à voir, resplendissant de vivacités émotionnelles et corporelles. C’est l’un des rares qui a pu exister. Non le temps ne c’est pas arrêté. C’est moi qui leur donne cette impression. Juste moi, uniquement moi.

Je suis partout et nul part, je suis bon comme mauvais. Je vogue d’âme à âme pour créer ce que plusieurs recherchent et ce que d’autres tentent de garder. Mais parfois il me vient de ces envies de créer de l’embarras, des questionnements. Parfois je brise tout, las. Étant maître de ce que je crée, j’en ai tout à fait le droit. C’est mon passe temps de faire les gens ressentir de ces émotions éphémères. Et parfois, j’ai diablement du plaisir.

Bref, parfois on m’aime, parfois on me déteste à mourir. Mais en vérité je n’en ais rien à faire de ce qu’on pense de moi. Car moi, je fais ça pour me distraire.

Et présentement, indirectement face à ces deux amoureux fous, je commence à en avoir assez. J’admire une dernière fois la beauté de ma création, je souris devant la beauté de l’Homme, murmurant tout bas un « Ah, les humains… », puis je fais s’effondrer le château de carte si fragile. Mou sourire s’agrandit : J’adore le pouvoir que j’ai sur ces bestioles.
Car bientôt, tout va s’effondrer. Car je suis le maître de l’Amour.
Car je suis l’Amour.

Et si…

Et si ces humains n’avaient pas besoin de ce pathétique « maître de l’Amour » ?
Et s’il y avait quelque chose de plus fort qui les unissaient ?

Et si…

[…] Ils s’embrassaient toujours. Avec autant de passion qu’au départ, avec la même intensité que lorsque leurs lèvres s’étaient touchées la première fois. Le jeune garçon la repousse gentiment, sans brusquerie et il sourit.

-D’accord, regarde-moi… regarde-moi, sans masque, comme je suis vraiment…

Doucement, il retire son masque. Doucement, il se dévoile enfin. Il a peur, il se pose des centaines de questions…

Elle, elle observe comme si c’était l’unique personne au monde. Enfin elle le voit comme elle a toujours voulu le voir : authentique. Il est différent, oui, mais elle l’aime plus que tout.

Elle l’entoure de ses bras, une larme chaude glissant sur sa joue, puis elle murmure à son oreille :
« Tu es encore mieux comme ça… Je t’aime… cent fois plus… »

Et les minutes passent, longues mais tellement mémorables. Et ils repartent ensemble, main dans la main.

Car non, ils n’avaient pas besoin d’aide pour s’aimer.